La commune de Forest a organisé le samedi 1er juin 2013 une « Fête de l’eau« , rassemblant sur le site de Divercity (proche du Pont de Luttre) bon nombre de comités forestois et les EGEB, Etats Généraux de l’Eau à Bruxelles.
Nous y étions, riches d’une expérience déjà ancienne en matière d’eau : avec 35 inondations recensées depuis 1982, Saint Denis devient expert en la matière !
Dans notre stand :
- des photos — dont la dernière datait du 28 mai 2013 — pour donner la conscience du problème,
- un égout presque grandeur nature (“Mais que trouve-t-on dans nos égouts ?”),
- une maquette de l’écoulement réel des eaux malgré le bassin d’orage,
- un concours de dessin (“Dessine-moi un raton !”),
- des affiches informatives.
Chacun se posant la question “Mais qu’est-ce qu’on peut y faire ?”, nous étions prêts pour des pistes de réponse.
Un problème multiforme
3 causes différentes déjà, 3 problématiques différentes :
- l’eau qui nous envahit vient des égouts,
- mais aussi des rivières murées par les constructions,
- la nappe phréatique très proche de nos orteils.
Pour s’en protéger, certains habitants ont placé des clapets et de ce fait se sont vu inondés par l’eau de leurs propres jardins et toitures qui ne peuvent plus s’écouler : une quatrième cause qui demande une autre solution.
De multiples acteurs
Les administrations et intervenants en jeu sont multiples aussi : Hydrobru, IBGE, SBGE, Vivaqua, Audi, Région Bruxelloise, gestionnaires de la Senne, gestionnaires du canal, station d’épuration de Bruxelles-Sud, une rate y perdrait ses petits.
Qu’est-ce qu’on peut y faire ?
Il faut y faire quelque chose, c’est une certitude à une époque où les ingénieurs ont été capables d’amener la chaîne de construction d’Audi à un niveau de robotisation stupéfiant, rentabilité économique oblige.
En effet en laissant chaque personne devant son problème, on en arrive à des solutions individuelles et anti-solidaires… alors que l’eau cherche toujours la faille, le point de fragilité : les maisons les moins équipées, celles dont les propriétaires, absents, n’ont guère le souci de la salubrité des logements proposés, celles pour lesquelles les investissements financiers sont hors de portée.
Pour éviter cette logique du « chacun pour soi » et du « sauve qui peut et tant pis pour les autres », nos démocraties ont inventé une bien belle parade : les pouvoirs publics.
Le rôle de la Commune
Les pouvoirs publics ? La Commune, vous voulez dire ? Oui, la Commune. Il y a trois domaines où elle est souveraine, même si elle n’est pas « responsable des égouts ».
- D’abord, elle est notre seul interlocuteur relativement proche, relativement compétent, relativement actif.
- Elle seule est en mesure de collecter les informations concrètes chez les habitants.
- Elle seule est en mesure d’informer, de rassembler, de booster les différents intervenants du problème et de pousser avec énergie vers la recherche d’une solution de long terme, de coordonner, rappeler, argumenter, plaider, proposer.
L’histoire des inondations nous l’apprend : nous avons eu des années « sans » : chaque accalmie correspond aux moments où la commune a davantage investi temps et énergie dans le problème.
Le risque est évidemment qu’on pourrait, en période d’accalmie, se soucier moins de la problématique, ce qui amène assez forcément à… des périodes d’aggravation !
Le problème est aussi qu’amélioration ou aggravation mettent du temps à produire leurs effets : nos responsables politiques qui ne sont responsables que le temps de leur mandat pourraient tout aussi bien soit profiter des investissements des prédécesseurs soit ne pas cueillir les fruits de leur propre investissement. Gestion des égouts, gestion ingrate si elle n’est pas partagée par tous, dans la durée.
Et que l’on ne nous dise pas : « C’est la faute aux changements climatiques ! ». L’IRM, seule institution compétente en la matière, indique que
« Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’y a pas eu d’augmentation du nombre de pluies orageuses estivales (jours avec des précipitations intenses de plus de 20 mm), même si les 3 valeurs les plus hautes de toute la série d’observations ont été enregistrées au cours des dernières années. Seules les stations proches du littoral ont observé une augmentation significative des précipitations extrêmes depuis les années 1980. Le fait que les tempêtes estivales aient causé pas mal de dégâts ces dernières années, est donc probablement dû à d’autres facteurs, comme la densité croissante des habitations (toits) et des surfaces imperméables (surfaces revêtues comme les routes et parkings), qui provoquent une évacuation plus rapide des eaux de pluie. » (http://www.climatechange.be/spip.php?article309#2)
L’urbanisme
Ensuite, la Commune détient un pouvoir essentiel qui n’appartient qu’à elle : celui de l’urbanisme.
Il existe en effet des outils concrets qui peuvent servir de guide, un Plan Pluie à la Région Bruxelloise et un Plan Communal de Lutte contre les Inondations voté il y a à peine un an à la Commune de Forest.
L’urbanisation dans notre commune (dont les égouts ont été construits entre 1900 et 1930 !) DOIT tenir compte du paramètre eau, dans le haut comme dans le bas : c’est bien l’eau du haut de la colline qui dévale vers le bas, chaque jour un peu plus si l’on mène une politique à la petite semaine.
Entre 1993 et 2006, la Commune de Forest a détenu un triste record : elle a été la seule Commune de la Région Bruxelloise a avoir augmenté de 12% la proportion des surfaces imperméables (in : ULB-IGEAT 2006, p.13, étude pour le compte du Ministère de la Région de Bruxelles Capitale) alors même que les habitants avaient soulevé le problème à de multiples reprises devant le Conseil Communal.
L’avenir ?
Que nous réserve l’avenir ? Nous dépendons totalement des responsables communaux, d’une équipe relativement neuve qui aura à faire ses preuves, sans tarder.
Enfin, elle détient les cordons de la bourse : où les investissements sont-ils essentiels ? C’est bien une question de politique, de gestion de la ville, et non pas de parti.
C’est aussi une question de choix, de critères que l’on peut, selon ses convictions, placer l’un avant l’autre à l’envi.
Et le citoyen ?
Dans la prévention des inondations, dans la gestion quotidienne du « Tout à l’égout », il a sa responsabilité.
Nos égouts sont sous-dimensionnés et mal conçus, c’est aujourd’hui évident, et chaque m2 de béton rajoute de l’eau dans un seau déjà rempli d’eau pas claire du tout: surtout en haut de colline, l’asphalte et le béton sont devenus une incivilité qui renvoie le problème au suivant.
Permettre l’infiltration de l’eau dans les jardinets, les parkings, les espaces verts est devenu une nécessité écologique, mais aussi sociale parce qu’il n’y a pas de raison qu’il y ait une ville à deux vitesses, des citoyens de première et de seconde zone.
Temporiser les arrivées brutales d’eau de pluie en bas de colline y compris par des ouvrages de charme, c’est aussi une opportunité : le bonheur d’avoir dans le jardin un mini-étang alimenté par l’eau de toiture, c’est un plus dont peu se plaignent. L’essayer, c’est l’adopter !
Enfin ce qu’on trouve dans les égouts lors des nettoyages laisse perplexe : sable, béton, lingettes accumulées, vêtements, langes, graisse à frites solidifiée, peinture, autant de matériaux qui réduisent encore le volume utile et qui ont une fâcheuse tendance, une fois arrivés en bas de pente, à ne pas « s’écouler ».
Au-delà du petit quotidien, le citoyen Lambda a encore deux tâches au moins qui sont riches en conséquences et toutes deux sont conditionnées par l’utilisation de ses neurones : il peut agir en Commission de Concertation pour que la gestion de l’eau soit un paramètre de réflexion aussi important que celui, par exemple, du parking. Mais qui y songe ? L’eau ne se voit que quand, furieuse, elle ravage.
Et, enfin, il peut voter pour des personnes qui ont le souci réel et constant de ce qui n’est pas visible, cette eau, ces égouts qui font basculer une partie de la ville 200 ans en arrière si on n’y prend pas garde.
Il y en a dans toutes les formations politiques, si si, je les ai rencontrés !
Voilà voilà… c’est ce dont nous avons parlé lors de la « Fête de l’Eau » à Forest… Vous avez dit « Fête » ?
L’élément festif est venu, sans aucun doute, de la richesse des contacts entre les personnes de la colline de Forest, ce « bassin versant » qui verse à tour de bras et qui mériterait plus d’attention.
Françoise Debatty